La région de Menabe, à Madagascar, a accueilli du 29 septembre au 6 octobre 2018 des universitaires, acteurs d’ONGs et d’associations de terrain intervenant dans la recherche-action pour une meilleure conservation des mangroves. Ce voyage d’étude de ces acteurs de différents contextes (Collectif du Golfe du Bénin, Collectif des 5 Deltas façade Atlantique) venus du Bénin, Ghana, Gambie, Togo, Sénégal, de la Belgique, France et de Madagascar s’inscrit dans le cadre du projet Expertise Universitaire – Mangroves. L’initiative portée par le consortium des ONG universitaires belges francophones UNI4COOP dont ADG (devenue ECLOSIO), Louvain Coopération et ULB Coopération est financée par l’Agence Wallonne de l’Air et du Climat AWAC. Elle vise surtout à favoriser l’émergence d’approches innovantes et l’amélioration des pratiques en matière de gestion locale des ressources naturelles dans les territoires de mangroves. Voilà pourquoi le projet stimule des échanges sur les pratiques, expériences et connaissances de la gestion communautaire des écosystèmes de mangroves.
Le rendez-vous de Madagascar faisant suite au précédent voyage d’étude organisé au Sénégal a pour but d’enrichir la boite à outils de gestion, de gouvernance des mangroves et de partager les bonnes pratiques et expériences entre acteurs de développement.
Il arrive qu’on rencontre dans un milieu des problématiques liées aux mangroves qui ont déjà été traitées ailleurs. Aujourd’hui, la mise en synergie des expertises est un véritable atout qui permettrait de résoudre une question spécifique à une zone. Le projet Expertise Universitaire – Mangroves s’inscrit, à cet effet, dans une démarche de facilitateur d’échanges et de réseautage pour une convergence de spécialistes de la gestion durable des mangroves.
L’atelier d’échange et de partage de la boîte à outils de gestion de mangroves, organisé ce lundi 1er octobre 2018 à l’espace Chris de Morondava, a rassemblé les participants du voyage d’étude, les membres du réseau Mihari, Blue Ventures,
OPCI Alokaina, WWF et Louvain Coopération. De la Gambie à Madagascar en passant par le Sénégal, le Ghana et le Bénin, chaque participant du voyage a présenté les outils de bonnes pratiques de gestion des ressources naturelles en liens avec la mangrove.
« La sacralisation des mangroves pratiquée au Bénin par l’ONG Eco-Benin et les communautés locales m’a beaucoup impressionné. Parce qu’il y a une sorte de cette pratique chez nous au Sénégal qu’on appelle le kankourang qui sort pour interdire aux enfants et femmes la cueillette des mangues vertes jusqu’à ce qu’elles murissent. Et c’est strictement respecté. Je pense qu’on peut voir dans les zones de mangroves les pratiques existantes culturellement et les utiliser pour une gestion durable des mangroves », a déclaré Cheriff CISSE, président de l’Association pour la Promotion des Initiatives Locales APIL au Sénégal.
Mangroves de Madagascar : un contexte qui mobilise l’état, les partenaires et collectivités locales
Au pays des Zébu, la gestion locale des ressources renouvelables plonge ses racines au plus profond de l’histoire. Il y a environ une dizaine d’années, l’ancienne politique répressive et exclusive de gestion autoritaire de ces ressources a disparu avec la loi 96-025 instituant la gestion locale des ressources naturelles. Aujourd’hui, à Madagascar, la mangrove couvrirait une superficie de 320 mille hectares avec huit différentes espèces. C’est l’équivalence de 20% des mangroves de tout le continent africain (Source : WWF Madagascar). Une dynamique obtenue grâce à la volonté et l’implication des acteurs à tous les niveaux : l’état central représenté par direction régionale de l’environnement, de l’écologie
et des forêts, la direction régionale des ressources halieutiques et
de la pêche ; les ONGs, les organisations communautaires de base pour la gestion durable de mangroves et ses écosystèmes associés OCB et les partenaires techniques et financiers.
Pour découvrir les spécificités du contexte Malgache, les participants de ce voyage d’étude se sont rendus à Belo dans le paysage de Tsiribihina. Une zone qui présente un écosystème varié et riche de mangroves. Dans cette région, il existe des capacités locales de gestion durable des mangroves. À Ambakivao, un village de pêcheurs, l’organisation communautaire de base pour la gestion durable de mangroves et ses écosystèmes associés focalise ses actions sur la restauration des mangroves, le reboisement et des surveillances-patrouilles pour une meilleure gestion de ces ressources. Après trois années de gestion locale des mangroves par l’OCB de ce village, la direction régionale de l’environnement, de l’écologie et des forêts vient de leur renouveler le contrat de gestion jusqu’en 2028.
« Nous avons quelques difficultés concernant la mise en œuvre de notre convention collective de gestion. Nous souhaiterions que nos visiteurs partagent avec nous leur expérience en la matière … », Joseph RENE, président VOI de Ambakivao
Ce jeudi 4 octobre 2018, les participants ont pris la route pour visiter un site de restauration de mangroves à Andranokaolo situé à 2 heures de marche de Belo. Dans les années 1953, les communautés de ce village avaient détruit les mangroves au profit de la riziculture. Avec la salinisation du milieu, la production du riz a entièrement chuté et le site, devenu désertique, est abandonné. En 2007, la communauté locale prend conscience de l’enjeu et entame les actions de restauration avec l’appui technique de la direction régionale de l’écologie et des forêts et le soutien de WWF. En 10 ans, 100 hectares de mangroves sont restaurés. Une expérience réussie et basée sur la connaissance locale.
« C’est impressionnant de constater qu’un milieu désertique il y a quelques années est couvert de mangroves aujourd’hui. C’est une prise de conscience totale des communautés qui associent également des jeunes pour leur enseigner dès maintenant ces bonnes pratiques. C’est vraiment une bonne chose », a déclaré Justice MENSAH, représentant de l’ONG Hen Poano du Ghana.
A Madagascar, on découvre également des pratiques de gestion de mangroves qui valorisent l’économie locale. C’est le cas à Kivalo, un village où l’écotourisme est mis à contribution. Ici, les touristes participent aux activités de reboisement de mangroves.
De bonnes pratiques existent sur l’ensemble du territoire malgache mais il manque le suivi scientifique. A ce niveau, l’Institut Halieutique et des Sciences Marines de l’Université de Toliara sera mis à contribution pour un suivi scientifique avec les communautés locales.
Le voyage d’étude de Madagascar a permis le renforcement du réseau d’acteurs puisque chaque partenaire jusqu’ici travaillait dans son territoire en échangeant entre eux à l’échelle de leur zone d’intervention. C’est donc un déploiement de dynamique d’échanges et de partages de la boîte à outils de gestion et de gouvernance des mangroves entre différents réseaux qui est né et se poursuivra par le projet Expertise Universitaire – Mangroves et même au delà du projet. Les participants ont pu découvrir de nombreuses expériences de gestion et de valorisation des mangroves et chacun a pu apporter son expérience et contribuer à
l’amélioration des outils des uns et des autres.
Un troisième voyage d’étude est prévu au Togo/Bénin courant Février 2019. Il permettra dans un premier temps de faire une sélection des outils de gestion présentés à Madagascar et, dans un second temps, découvrir les bonnes pratiques et spécificités du contexte Togolais et béninois.
Daniel ABOKI