Au sud du Bénin, lorsque la divinité « Zangbéto » appelée communément gardien de nuit sort en plein jour, cela revêt d’une importance capitale. Ce mercredi 31 Janvier 2018, cette divinité fait son apparition à Hakouè un village situé au cœur de la Réserve la Bouche du Roy. La cérémonie rituelle à laquelle nous assistons ce jour là est similaire à celle que l’on observe le 10 janvier lors de la célébration du festival Vodoun. Elle est riche en chants et danses et mobilise les populations de ce village. En réalité, ce rituel précède un acte fort qui marquera toute cette localité : la sacralisation d’une zone de mangrove et de frayère qui est une pratique consistant à conserver la ressource halieutique pour une pêche durable.
Dans ce village et même les autres de cette réserve, tout le monde craint le « Zangbéto ».
« Lorsque le Zangbéto dit quelque chose, tout le monde a l’obligation de respecter cela. Au risque de la mort ou d’être expulsé de ce village » a souligné Anicet METENOU, le chef du village de Hakouè.
Après le rituel d’incantation et de prière au cours duquel les communautés présentes ont été sensibilisées sur les inconvénients du non respects des règles établies par la divinité, un groupe de personnes initiées ont traversé le fleuve mono avec le « Zangbéto » pour procéder à l’implantation du fétiche gardien dans la zone de mangrove et d’un périmètre de frayère. Sur la rive, on chante et on danse au rythme du tambour pour invoquer les voix des ancêtres. Une zone de 15,8 hectares de mangroves est sacralisée. Ces mangroves désormais sacrées viennent renforcer les règles d’interdiction stricte de coupe pour la mise en place des « Acadja » (technique de pêche prohibée) ou le bois énergie. Le Vodoun, une pratique occulte, née au Bénin est utilisée dans la réserve la Bouche du Roy pour la conservation des ressources naturelles.
Cette méthode de conservation écologique endogène constitue aujourd’hui une stratégie efficace de développement des zones écosystémiques et est fréquemment utilisée pour sauver la biodiversité de la réserve. Au total, 6 villages ont fait recours à cette méthode pour sacraliser environ 500 hectares de zone de mangroves et 3 hectares de zone de frayères. Jusque-là, aucune infraction n’a été relevée dans ces zones sacralisées. La méthode a démontré son efficacité et mérite d’être prise encore au sérieux et encouragée par le département ministériel en charge du Cadre de Vie et de l’Environnement.
« Celui qui va se hasarder à couper une tige de mangrove dans cette zone risque gros. Il va payer tout un tas de produits pour faire le sacrifice au fétiche en demandant pardon. Tous les produits et l’organisation de la cérémonie de sacrifice lui couterait plus de deux cent milles francs CFA » a insisté le sage et dignitaire du village, Julien HOUESSOU.
Avec l’appui de la GIZ et en partenariat avec l’IUCN Pays-Bas, l’ONG Eco-Benin soutient ces communautés dans l’organisation de ces cérémonies qui s’inscrivent dans le cadre du processus de création de la réserve de biosphère du Delta du Mono.
Gninhountinmè et Dohi seront les prochains villages où des zones de mangroves vont être sacralisées.
Daniel Aboki