C’était le moment clé du colloque scientifique de Lomé sur la gestion des écosystèmes de mangroves. Devant un parterre d’universitaires-chercheurs, des étudiants, d’organisations internationales, d’associations de terrain et des représentants de partenaires techniques et financiers, la délégation de cette association chargée de la gestion de l’Aire Communautaire de Conservation de la Biodiversité de la Bouche du Roy au Bénin est porteuse d’un message. Dans cette aire communautaire, plusieurs initiatives ont été prises pour la préservation des ressources naturelles. Même si la sacralisation des mangroves demeure et reste l’outil le plus efficace de gestion de cet écosystème dans les zones centrales de cette aire, les communautés doivent maintenant faire face à d’autres difficultés.
Aujourd’hui, il est impossible de faire l’élevage des huitres. Et pour cause, un vilain mollusque appelé oecenebra qui n’existait pas dans cette zone et inconnu des populations pénètre les unités de production et s’attaque aux huitres puis les détruit. Le spécimen de cette espèce dévastatrice des huitres a été présenté aux scientifiques, universitaires-chercheurs au cours du colloque. L’Association Doukpo, représentée par son président, sa trésorière et son secrétaire général plaide pour une assistance des chercheurs en vue de faire d’étudier cette espèce qui menace l’une des activités génératrices de revenus.
Sur ce site également, la production du sel est l’une des activités qui occupe plus de la moitié des femmes. Cette activité a une conséquence directe sur les ressources et présente une énorme pression sur l’écosystème des mangroves. Pour diminuer la pression et sauvegarder les ressources, l’association Doukpo a eut idée de la production du sel sur bâche, une technique qui n’a besoin du bois de mangroves. La solution paraît intéressante mais le sel produit sur bâche présenterait des risques pour la santé humaine, les consommateurs.
« Au cours du side event communautaire que nous avons organisé les 18 et 19 février à Grand-Popo, au Bénin, les femmes nous ont dit que le sel sur bâche ne contiendrait pas assez d’iodes contrairement au sel produit avec la technique de chauffage au bois de mangroves. Et que sa consommation provoquerait du goitre. Nous manquons des preuves scientifiques pour les convaincre » a souligné Basile AMOUSSOU, le secrétaire général de l’Association Doukpo lors du colloque scientifique.
A ce niveau, l’expertise des universitaires-chercheurs est sollicitée pour apporter des éléments concrets sur la composition du sel produit sur bâche en vue de trouver une solution pouvant préserver les mangroves.
« C’est un moment crucial de ce colloque. C’est l’intérêt capital de cette assise qui vise à confronter les réalités et pratiques du terrain aux recherches scientifiques. Nous remercions beaucoup les représentants des communautés d’être venu porter ce message qui n’est surement pas tomber dans les oreilles de sourds » a laissé entendre Stéphane Contini, coordonnateur du projet EU-M
Le Sénégal a également présenté le message de plaidoyer de ses communautés locales de gestion des aires protégées. Le challenge pour les universitaires est désormais de taille. Les organisations ou associations de terrain, les partenaires techniques et financiers devront eux aussi se joindre aux chercheurs pour une science au service de la nature.
Rappelons que cet événement, organisé du 19 au 22 Février 2019 dans la capitale togolaise, s’inscrit dans le cadre du Projet Expertise Universitaire Mangrove. Porté par le consortium des universités francophones belges UNI4COOP (Eclosion, FUCID, Louvain Coopération, ULB Coopération) et avec le soutien de l’Agence Wallonne de l’Aire et du Climat, cette initiative vise à capitaliser et diffuser des expériences et expertises autour des bonnes pratiques de gestion durable des ressources naturelles dans les territoires de mangroves.
Daniel ABOKI